Et si la frustration était synonyme d' épanouissement ?

Zoom sur ce qu’est la frustration

La frustration, selon le dictionnaire Le Robert, est le sentiment pénible d’être privé de ce que l’on attendait.

Freud, dans L’avenir d’une illusion, la décrit ainsi : « Nous appelons frustration le fait qu’une pulsion ne peut pas être satisfaite et l’état que cet interdit provoque. »

Pour illustrer ce concept, laissez-moi vous partager une anecdote : Je suis au supermarché avec ma fille de 4 ans. Après avoir pesé les légumes, je la vois venir vers moi, tout sourire, un paquet de bonbons à la main. Elle me demande de les acheter, ce que je refuse. Ici, je frustre son désir. S’ensuit un long cri aigu, des coups de pied dans le vide et une morsure qu’elle s’inflige sur l’un de ses avant-bras. Mon refus provoque son état de frustration.

Faire la différence entre frustration et souffrance

La frustration est une émotion temporaire qui survient lorsque nos attentes ne sont pas satisfaites, comme lorsque l'on échoue à un examen.

En revanche, la souffrance est un état plus profond et durable, souvent lié à des douleurs émotionnelles ou physiques persistantes, comme la perte d'un être cher.

Un âge pour être frustré?

Il n’y a pas d’âge pour vivre la frustration. Cependant, le cerveau d'un enfant n'est pas complètement mature, ce qui peut rendre la gestion de la frustration plus difficile. Les zones du cerveau responsables de la régulation émotionnelle et de la prise de décision continuent de se développer jusqu'à l'âge de 25 ans.

Si je prends l’image d’un arbre pour représenter l’enfant : c’est un arbuste avec des racines nombreuses mais peu profondes, le tronc est frêle et les jeunes branches sont vertes.

Que donnerait un monde où la frustration n’existerait pas?

En tant que parents, nous souhaitons tous faire plaisir et donner le meilleur à nos enfants. Mais posons-nous la question suivante : ouvrons-nous la porte à leurs demandes un peu, beaucoup, passionnément?

Revenons à mon exemple du supermarché et imaginons à cet instant :

• Que j'accède sans filtre à toutes ses demandes (bonbons, poupée, mon portable, etc.).

• Qu'en lui refusant son paquet de bonbons, elle se met en colère et que pour éteindre la crise, j’accepte finalement sa demande.

Si j’élève ma fille sans rien lui refuser, je deviendrai un parent “séducteur”, pensant qu’ainsi, elle sera heureuse. Or, le rôle de l’adulte n’est pas de chercher à plaire à son enfant , sinon de l’éduquer. Nous ne devenons pas parents pour séduire nos enfants afin qu’ils nous aiment, mais pour en faire des citoyens épanouis, responsables et avertis.

Je rencontre souvent des parents épuisés, prêts à tout pour leurs enfants. Cependant, accepter toutes leurs demandes ne les aide pas à se construire. Le message involontairement envoyé est : “Dans la vie, tu auras tout ce que tu veux”. Est-ce ainsi que vous vivez vraiment votre quotidien ?

Un enfant élevé avec du “tout-cuit” aura en effet des difficultés à s’adapter aux défis de la vie, à comprendre les autres et les conflits, il aura des attentes irréalistes et manquera de créativité pour chercher des solutions. La frustration est essentielle pour le développement personnel et social.

Revenons à notre jeune arbre privé de frustration : le tronc pousserait tordu, les branches seraient cassantes, il aurait du mal à générer de nouvelles feuilles et une bourrasque pourrait facilement le déstabiliser.

Les bénéfices de la frustration

Les avantages de la frustration sont nombreux et en voici les points les plus essentiels :

• Meilleure résilience face aux défis de la vie

• Boost de créativité pour trouver des solutions

• Amélioration de la compréhension des autres et de leurs besoins

• Générateur de gratitude envers soi et son environnement

Alors, comment aider nos enfants à gérer la frustration ?

Nous l'avons vu : avant 25 ans, le cerveau d’un individu n’est pas mature pour gérer seul la frustration.

Cependant, avec un soutien adéquat, les enfants peuvent apprendre des stratégies pour gérer leurs frustrations et développer leur résilience. En voici quelques unes.

S’introspecter

Cela commence par nous, parents. Nous portons nos propres croyances, valeurs et attitudes, formant un exemple pour nos bambins. Sommes-nous cohérents dans la gestion de nos propres frustrations?

En cultivant notre propre équilibre émotionnel, nous pouvons transmettre des solutions et des manières de mieux vivre les frustrations de la vie.

⚠️ L’apprentissage chez les enfants se fait par mimétisme, bien plus à travers nos attitudes et nos comportements qu’à travers nos conseils.

Reconnaître et mettre des mots sur ses ressentis

Reconnaître qu’une situation nous émeut est un premier grand pas qui permet de mettre en place une action. Éviter ou lutter contre un possible inconfort ne fera qu’accentuer le malaise. Prenons l’exemple d’un embouteillage : “Je sens mon cœur s’accélérer, la colère monte, je veux foncer dans le tas mais je vais souffler trois fois, poser ma main sur le cœur et me concentrer sur la chaleur de ma paume”.

Cette attitude de l'adulte permet à l’enfant de comprendre et reconnaître une manifestation émotionnelle naturelle de la colère et d’apprendre des manières utiles d’agir ou de réagir.

Le jeu et le “je” : l’expérience du ressenti

Encore "en travaux" pendant quelques années, l’instant présent est LA temporalité la plus accessible pour un jeune cerveau et c’est à travers ses explorations répétées que l'enfant aide sa structure cérébrale à se façonner. C'est pourquoi nous, adultes, devons l’accompagner dans ses expériences dès son plus jeune âge.

Lorsque vous jouez au très connu “coucou-caché” avec votre bébé, vous favorisez le lien sécurisant entre vous et votre enfant. Ce dernier apprend un peu plus en douceur à se séparer de vous et à bâtir sa confiance dans votre réapparition ou retour.

Un autre jeu que je trouve très utile et que nous faisons en groupe lorsque j’interviens dans les écoles est celui du miroir des émotions. Chacun imite l’émotion de l’autre en miroir, que ce soit les mimiques ou les sons. Ce jeu apporte l’apprentissage de l’empathie, autant qu’il introduit, dans un cadre bienveillant fondamental, la tolérance de l’expression d’autrui : les émotions sont universelles, mais leur mode d’expression diffère d’une personne à l’autre, d’une culture à l’autre. Je suis unique, mais je m’identifie à l’autre (ou pas) par ce qu’il ressent. Captivant, n’est-ce pas?

Une autre façon de traverser l’inconfort de la frustration en jouant est de se mettre dans la peau d’un personnage. Alors, quand votre enfant vous demande de jouer au docteur ou à la maîtresse, foncez!

N’hésitez pas à incarner ce patient-cobaye qui se fait piquer une douzaine de fois par un docteur sadique, ou de l’élève tantôt dissipé, tantôt premier de la classe, d’une maîtresse peu arrangeante. Ce sont autant de personnages ou de situations qui enrichiront la palette émotionnelle de votre enfant et qui lui permettront de savourer différentes sensations agréables ou désagréables, sans tomber dans la panique.

Nommer et valider l’émotion cachée derrière la frustration

La frustration peut être la manifestation de tout un spectre large d’émotions généralement vécues désagréablement. Aider votre enfant à communiquer en utilisant ses propres jouets, par exemple les peluches, les figurines, Playmobil, Lego, etc. Tout en le laissant mener le jeu, vous pouvez l’interroger sur la réaction de tel personnage, sur ce qu’il pense du ressenti de ce personnage dans telle ou telle situation.

Pour l’enfant très jeune, avec des capacités langagières limitées ou un certain mutisme, n’hésitez pas à nommer correctement l’émotion s’il n’a pas les mots. Pour l’enfant plus âgé, lui montrer à utiliser le “je” devant chaque expression du ressenti sera bénéfique car il lui permettra de se positionner en acteur de ses émotions et sera alors mieux disposé à y faire face.

L’aider à reconnaître les signaux de sa frustration

On a tort de croire qu’une prise de décision est uniquement pensée. Il est scientifiquement prouvé que nos décisions, nos choix dépendent d’un processus émotionnel vécu dans notre corps. Avant d’ “exploser” de colère, n’avez-vous jamais senti votre cœur battre plus vite, perçu vos joues chaudes et rouges? L’expression “son sang n’a fait qu’un tour” est très évocatrice de sensations perçues dans notre corps avant de choisir, ou pas, d'agir.

Nous l’avons vu : bien qu’il existe des lieux communs d’expression des sensations, chaque individu possède ses propres réactions. Ainsi, face au manque, votre enfant peut serrer poings et mâchoires, froncer les sourcils, avoir son cœur qui s’emballe, croiser les bras, etc. Autant de signaux qui sont des guides précieux pour indiquer au cerveau la frustration. Nommer ces messages, ramener au corps sa propre expérience sensorielle et lui demander simplement à quelle émotion ça ressemble l’aidera déjà à mieux la vivre.

C’est un des principes fondamentaux de la sophrologie : la réalité du schéma corporel.

Lui montrer des moyens de se calmer ou de diminuer ses tensions liées à la frustration

Pour gérer efficacement la frustration, il est crucial de proposer des outils concrets et ludiques à votre enfant.

Par exemple, la mini-crise ou l’art de se défouler sainement peut être une méthode efficace pour libérer les tensions.

La mini-crise

1. Position de départ : debout, les genoux légèrement fléchis, le dos droit et les épaules détendues, les yeux ouverts.

2. Enchaînement : sauter sur place, le buste et les bras sont souples, à la manière d’un pantin.

3. Terminer : s’arrêter lorsqu’il y a inconfort , fermer les yeux et se concentrer sur ses ressentis.

C'est un exercice simple et même amusant à pratiquer en duo, garantissant un moment de fous rires partagés !

Nous avons vu que répondre à toutes les envies de notre enfant ne l’aidera pas à affronter les contrariétés de la vie. Et si la frustration est une émotion que nous n'envions pas, elle favorise en revanche l’émergence du désir, stimulant l’imagination et la créativité.

L’exemple des matins de Noël

Pour illustrer comment la frustration peut nourrir l’imagination et la créativité, repensons aux matins de Noël de notre enfance. Ce moment magique où l'on devait attendre pour ouvrir nos cadeaux nous remplissait d'excitation et de désir. C'était la frustration de l'attente qui rendait ces instants si spéciaux et mémorables. On se prenait à imaginer leur contenu en faisant travailler tous nos sens. Sans cette attente, l'expérience aurait perdu de sa saveur, et nous ne nous serions peut-être pas autant délectés des cadeaux reçus.

En conclusion

Ces exemples montrent que la frustration n’est pas un simple obstacle, mais un élément essentiel pour le développement de nos enfants. En les aidant à naviguer à travers les défis et en leur offrant les outils nécessaires pour gérer ces moments difficiles, nous leur permettons de transformer chaque frustration en une opportunité de croissance.

Si l'on revient à la métaphore de l'arbre, celui-ci possèderait des racines profondément ancrées favorisant sa stabilité, un tronc robuste et d'où partiraient une multitude de branches solides et flexibles lui permettant de s'adapter aux aléas des saisons.

Alors, plutôt que de chercher à éliminer chaque source de contrariété, encourageons nos enfants à voir la frustration comme une étape précieuse sur le chemin de leur épanouissement. En fin de compte, chaque petit défi surmonté est un pas de plus vers une vie riche en apprentissages et en résilience.

Et vous ? Comment allez-vous transformer les frustrations de votre enfant en occasions d’apprentissage aujourd’hui? 😉

Bibliographie

- L'erreur de Descartes, António Damásio, essai paru en 1994 , éditions Odile Jacob.

-L'Avenir d'une Illusion, Sigmund Freud, paru en 1927, éditions Flammarion.

-Le Robert , paru en 1951, éditions Le Robert.

- Comprendre et éduquer son enfant, Isabelle Filliozat, paru en 2022, éditions Marabout.

À propos...

Hello, je suis Alexandra Dumoulin, sophrologue engagée pour les enfants et les adolescents. C'est avec pep's et dans un climat de confiance que

je les accompagne à évoluer les yeux fermés.

Alexandra Dumoulin

Sophrologue EI - Enfants & Adolescents

263, rue Nelson Mandela, 01630-France

SIRET : 98303562700022

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